Jean-François Lisée est le nouveau chef du Parti Québécois. Il ne lui a en fait fallu que deux tours de scrutins pour dépasser (de justesse) la barre des 50%.
Avant d'analyser ce résultat dans l'optique de 2018, je vais afficher ma satisfaction quant à mes projections. Alors que Cloutier avait été en tête d'absolument tous les sondages (de très peu dans le dernier il est vrai), j'avais Lisée comme favori pour remporter cette course. Faire des projections en politiques signifie que j'ai parfois raison et parfois tort. Et j'ai été brûlé plusieur fois par les sondages. Ainsi, à titre personnel, ce fût une bonne soirée.
Je vais comparer les projections qualitativement et quantativement. Pour la première, mes projections finales disaient essentiellement ceci:
- Jean-François Lisée est favori
- L'ordre au 1er tour devrait être Lisée, Cloutier, Ouellet et Plamondon
- Un 1er tour divisé
- Alexandre Cloutier semblait n'aller nulle part en fin de campagne (J'avais mentionné que le financement montrait vraiment que Cloutier n'avait pas de momentum)
Qu'avons-nous eu? Lisée a gagné, l'ordre était correct. Le 1er tour était divisé mais Lisée a fait mieux qu'attendu. Finalement, Cloutier a été dépassé.
Quantitativement ensuite. Voici ci-dessous les projections du 1er tour (intervalles de confiance à 95% - ou 19 fois sur 20) et les résultats.
Intervalles de confiances à 95%
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Résultat
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Alexandre Cloutier
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27-39%
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30%
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Jean-François Lisée
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30-41%
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47%
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Martine Ouellet
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19-29%
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17%
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Paul Saint-Pierre Plamondon
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5-11%
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7%
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On voit que Lisée a fait bien mieux que prévu alors que tous les autres candidats ont fait moins bien dans différentes mesures. Plamondon est pas mal exactement où on l'attendait (et bien plus élevé que les sondages), Ouellet est celle qui se retrouve le plus sous les projections (une petite surprise considérant le financement et la dynamique de fin de campagne, j'y reviens ci-dessous) tandis que Cloutier est juste en-dessous des attentes (mais bien inférieur aux sondages, y compris le plus récent - il était à 31% dans le dernier Léger mais c'était avant redistribution de 25% d'indécis/ne sait pas). Si je prenais vraiment le min et max pour chaque candidat, j'avais un max pour Lisée à 48% et un minimum pour Ouellet à 12%. Des intervalles très larges mais qui montraient l'incertitude étant donné le peu d'info disponible.
On parlera beaucoup de la cuisante défaite de Cloutier, mais Lisée doit surtout sa victoire dès le 2e tour à la relativement faible performance de Ouellet. Elle était projetée à 24%. Les sondages étaient plutôt dans le mile pour elle - du moins le plus récent Léger - alors que le financement la montrait en 2e place (en termes du nombre de dons; elle était proche 3e en termes des montants récoltés). La fin de campagne avait aussi vu Ouellet récolter beaucoup de dons (en fait davantage que Lisée). Aussi, sa position référendaire était très clairement différente et on aurait pu croire qu'elle ferait mieux au sein du parti Québécois. Après tout, le sondage Crop nous montrait que 28% des électeurs PQ voulaient un référendum lors d'un premier mandat. Il n'était pas déraisonnable de croire que les membres du parti auraient cette opinion dans une proportion au moins aussi importante. Il n'est pas clair ce qui est vraiment arrivé à Ouellet (mauvaise sortie de vote?) mais il reste que sa position ne sort définitivement pas renforcée après cette course. Et elle aurait pu continuer de militer pour un référendum si Cloutier avait gagné mais cela n'arrivera jamais sous la direction de Lisée.
Cloutier, Ouellet et Plamondon ont tous fait moins bien que projeté, ce qui fait en sorte (logiquement) que Lisée a fait bien mieux. Je mentionnais dans mes projections finales que j'entendais des rumeurs de Lisée à plus de 50% au 1er tour et ces rumeurs étaient avérées. Était-ce prévisible? Honnêtement, étant donné le peu d'info disponible, je dirais que non. Si j'avais par exemple placé une importance marquée au financement de fin de campagne, j'aurais eu Lisée à environ 40%... Mais Ouellet toute proche. Lisée avait 29% du financement brut (avant redistribution de celui d'Hivon). En récoltant 18 points de plus au 1er tour, cela représente le plus grand écrart financement brut-votes dans une course à la cirection récente (PQ 2015, PLQ 2013). L'ancien record était par Cloutier en 2015 (14% financement brut, 29% voix, mais il y avait beaucoup de candidats qui s'étaient retirés de la course). Il n'était tout simplement pas vraiment prévisible que Lisée serait effectivement si élevé.
Au final, on voit ici les limites de projeter une course avec très peu de données. S'il s'agîssait d'une élection, mes résultats quantitatifs seraient catastrophiques. Mais si je tiens compte de l'info disponible, je dirais que c'était assez satisfaisant. À l'avenir, j'aimerais vraiment si un sondeur pouvait faire une enquête avec un plus large échantillon et peut-être limiter les résultats aux membres.
Au fait, ma déception hier est que nous n'avons pas eu besoin de 3 tours. Cela signifie que nous ne saurons jamais comment les votes Ouellet se seraient redistribués. C'était l'une des questions majeures de cette course. On notera en passant que seulement 266 des 3772 votes de Plamondon n'avaient pas de 2e choix, soit environ 7%. Les sondages indiquaient que ce nombre était le plus faible parmis les 4 candidats. Ces votes se sont aussi aussi reportés majoritairement sur Lisée, ce qui n'était pas vraiment une surprise.
Au fait, ma déception hier est que nous n'avons pas eu besoin de 3 tours. Cela signifie que nous ne saurons jamais comment les votes Ouellet se seraient redistribués. C'était l'une des questions majeures de cette course. On notera en passant que seulement 266 des 3772 votes de Plamondon n'avaient pas de 2e choix, soit environ 7%. Les sondages indiquaient que ce nombre était le plus faible parmis les 4 candidats. Ces votes se sont aussi aussi reportés majoritairement sur Lisée, ce qui n'était pas vraiment une surprise.
Le PQ vers la victoire en 2018?
Pierre-Karl Péladeau avait été couronné l'année dernière malgré une bien mauvaise campagne et des positions qui n'avaient pas forcément de sens dans l'optique de gagner en 2018 (n'était-il pas vu comme le gars qui avait fait déraillé la campagne de 2014?). Je crois sincèrement que le PQ n'avait que peu de chances en 2018 sous PKP et ce parti n'allait nulle part lorsqu'il a quitté.
Les chances du parti souverainiste sont bien meilleures sous Lisée (sans pour autant être magiquement élevées). C'est du moins mon opinion. En termes de données, les sondages hypothétiques ne montraient qu'un faible bond pour un PQ dirigé par Lisée, mais nous verrons dans quelques mois. J'imagine que nous aurons un sondage la semaine prochaine montrant le PQ en tête et nous pourrons réagir de façon ridiculement trop grande.
Le PLQ devrait se sentir menacé par un chef qui va clairement dire "pas de référendum". C'est genre 50% de la stratégie Libéral de 2014 qui n'est plus valable.
La CAQ? Honnêtement, dur à dire. D'un côté le PQ a maintenant un chef qui ne proposera pas de referendum et qui parle d'identité Québécoise. D'un autre côté, les électeurs CAQ sont surtout préoccupés par les questions fiscales et je ne suis pas sûr qu'un PQ dirigé par Lisée sera très attrayant pour eux. Si je devais parier $5, je pense que la CAQ va baisser un peu dans les prochains mois (genre vers les 20%). Pour 2018? Aucune idée. La CAQ a de sérieux problèmes, notamment le fait qu'elle restait 3e à 23% dans les sondages alors que le gouvernment était impopulaire et le PQ n'avait pas de chef.
Québec Solidaire devrait en fait profiter de l'arrivée de Lisée. Ou du moins je ne vois pas vraiment de raison de penser que beaucoup d'électeurs QS vont rejoindre le PQ. Le seul risque est vraiment si ces électeurs décident que l'enjeu principal est de battre le PLQ et que Lisée est la meilleure chance. Le plus récent sondage Léger avec sa question hypothétique semble confirmer cela (pour autant que ces questions hypothétique soient valables). Lisée est de gauche mais de gauche "efficace". En même temps, le salaire minimum à $15 devrait être populaire avec QS.
Au final, nous verrons bien car Lisée devra maintenant attirer d'autres électeurs que les simples membres du PQ. La seule conclusion à laquelle je souscris pour l'instant est que le PQ est mieux placé pour gagner en 2018 qu'il y a 6 mois. Il n'est pas le sauveur qui devrait permettre au parti de repasser magiquement la barre des 40%, mais ses positions et flair stratégique feront en sorte que le parti fera probablement une meilleure campagne dans deux ans.