Après des années à faire ce "boulot", je devrais savoir que projeter des partielles est compliqué. Après tout, la dernière fois que j'ai essayé, il y a trois semaines dans Louis-Hébert, j'ai manqué la marque d'un bon bout. On ne peut pas avoir tort si on ne projette rien, n,est-ce pas? Mais voilà, je suis têtu. Alors voici un billet sur la partielle dans Lac-Saint-Jean du lundi 23 octobre. Je m'excuse pour publier ce billet si tardivement, mais j'étais pas mal occupé.
Avant de commencer, je voudrais aussi faire remarquer ce sondage Ipsos pour le Québec publié vendredi. Je n'ai pas fait d'article là-dessus principalement car les chiffres sont très similaires à ce que l'on a vu depuis quelques mois. Je n'ai pas envie d'écrire le même article à toutes les 3 semaines. Cependant, la vraie nouvelle était que La Presse commande maintenant ses sondages à Ipsos au lieu de Crop (qui semble ne plus faire de sondages du tout). Une bonne nouvelle. Ipsos rejoint ainsi Léger et Mainstreet.
Ok, de retour au Lac-Saint-Jean. L'élection complémentaire a lieu car le député Conservateur Denis Lebel a quitté sa position. Lebel était l'un des candidats vedettes du PCC au Québec et son départ pourrait faire mal. De manière plus générale, cette partielle arrive alors que les sondages fédéraux montrent les Libéraux de Justin Trudeau en baisse depuis quelques semaines. Ajoutez à cela la progression du Bloc et l'arrivée de Jagmeet Singh à la tête du NPD et vous avez tous les ingrédients pour une partielle relativement importante ou du moins intéressante.
1. Les sondages récents
Je ne parle bien sûr pas de sondages dans la circonscription -il n'y en a pas eu- mais des sondages fédéraux au Québec. Ci-dessous vous avez les chiffres pour le Québec des plus récents sondages.
Première remarque, ces sondages ont souvent les Verts très hauts (10% chez Ekos par exemple!). C'est un peu absurde et pas super pertinent pour une partielle au Lac-Saint-Jean. D'autre part, les chiffres de Nanos sont bizarres. Non seulement sont-ils très différents des autres, mais ils ne somment qu'à 90% environ. Est-ce les "autres partis" représentent vraiment 10% Ou s'agît-ils d'indécis? J'ai contacté Nanos et je ferai les mises à jour s'ils répondent. En attendant, je vais partir du principe qu'ils s'agît bel et bien d'indécis/refus et je les redistribue.
Au final, la situation au Québec semble être la suivante: Libéraux devant aux alentours des 35-40%, le Bloc 2e vers les 20-25% (et bien davantage et en progression selon Nanos) et finalement NPD et PCC se bataillant vers les 15% pour la 3e place.
En utilisant ces chiffres et les résultats de la dernière élection (Lebel avait remporté son siège avec 33% - 4 points d'avance sur le NPD), on obtient que les Conservateurs devraient facilement conserver ce siège. Mais voilà, il nous faut tenir compte du départ de Lebel et cela complique naturellement les choses.
2. L'effet Denis Lebel
Estimer l'effet personnel d'un candidat n'est jamais facile. Regardons les résultats précédents. Lebel s'est présenté pour la première fois en 2007 lors d'une élection complémentaire qu'il avait remporté haut la main. Par rapport à 2006, on parle d'une poussée de 22.5 points! Bien sûr, on parle ici de l'époque où les Conservateurs de Stephen Harper courtisaient le Québec et pensaient pouvoir y obtenir des gains majeurs. Aussi, une partielle a souvent tendance à amplifier les variations en raison du faible taux de participation.
Si l'on compare plutôt 2006 à 2008, alors que le PCC perdait en fait environ 3 points provincialement, Lebel obtenait environ 6 points de plus que l'ancien candidat Conservateur. On parle ainsi d'un effet net d'environ 10 points.
Ajoutez à cela le fait que Lebel était rendu un député de longue date (cela vaut environ 4-5 points en moyenne) et son départ devrait coûter au PCC environ 15 points. Il s'agît ici d'un estimé à moitié scientifique et à moitié "au pif". Je vais ainsi retirer 15 points des projections PCC et les redistribuer proportionnellement (je n'ai pas envie de faire une hypothèse concernant quel parti a les meilleures chances de bénéficier de ce bonus).
3. Projections
J'ai fait mes simulations habituelles en incluant davantage d'incertitude. Les chances de gagner sont ci-dessous. J'ai décidé de ne plus inclure les pourcentages de vote dans les projections pour partielles car plusieurs lecteurs ne prennent pas le temps de lire le texte et ne réalisent pas le degré d'incertitude associé avec des projections pour des partielles. Je ne présente ainsi que les chances de gagner.
Chances de gagner l'élection partielle
Nous avons ainsi une course à 4! Le PLC et Bloc ont cependant un avantage. Les simulations donnent un tout petit avantage aux Libéraux mais ne vous trompez pas, les chances sont quasi égales. Il reste que les 4 principaux partis ont techniquement une chance lundi soir, du moins en se basant sur l'information disponible. En termes de pourcentages de votes, on parle possiblement d'une course à 4 parfaites avec tous les partis et candidats vers les 20%. Bien sûr, avec les marges d'errreur et en se rappelant qu'il s'agît d'une partielle, il se peut fort bien qu'un parti fasse bien mieux. Il y a aussi la participation et la sortie de vote qui peuvent venir influencer.
Afin d'aller au-delà, il nous faut entrer le terrain subjectif de l'évaluation des candidats. Les Conservateurs ont remplacé Lebel par Rémy Leclerc. Ancien conseilleur municipal de Roberval et conseiller/organisateur des campagnes de Lebel, il tente ainsi de conserver ce siège.
Le Parti Libéral présente Richard Hébert, avocat et ancien maire de Dolbeau-Mistassini. En général, présenter un maire ou ancien maire marche asez bien dans les comtés ruraux.
Le NPD a Gisèle Dallaire comme candidate. Elle s'était déjà présenté en 2015 et avait failli gagner! Alors que son parti était en chute libre à l'échelle de la province, elle n'avait perdu que 3.7 points par rapports aux résultats transposés de 2011. Son résultat reflètera ainsi possiblement davantage l'effet Singh qu'un changement de candidat local, ce qui sera intéressant.
Finalement, le Bloc présente Marc Maltais, directeur régional de la FTQ.
Au final, tous les candidats ont un bon profile à première vue. Les Conservateurs sont un peu derrière (recruter l'ancien directeur de campagne n'est pas toujours un bon signe), mais il est difficile de départager les candidats PLC, NPD et Bloc. J'ai le sentiment que le PLC et Bloc prennent cette partielle plus au sérieux, mais c'est subjectif.
En conclusion, je crois que l'on peut s'attendre à une course à deux entre le Bloc et le PLC, mais le NPD et le PCC ont des chances. Après, je comprends bien qu'une telle projection revient à peu près à dire "tout peut arriver" et je n'avais pas besoin d'écrire un si long billet, mais dans le cas présent, c'est vraiment le cas. Le PCC peut gagner si les sondages Nanos ont tort et si le nouveau candidat parvient à conserver les votes Lebel. Le PLC peut espérer un gain si l'opposition se divise (en particulier le Bloc et NPD). Le NPD présente la même candidate qu'en 2015 et elle avait failli gagner. Le parti a cependant baissé provincialement depuis l'élection générale. Finalement, le Bloc peut rêver de reconquérir ce comté, surtout si les sondages Nanos ont raison.
Si je devais miser de l'argent? Je miserais un petit $5 sur le Bloc et Marc Maltais, mais je ne miserais pas davantage que $5.